L’église chrétienne en république islamique d’Iran
Ce qui est vrai pour les chrétiens l'est aussi pour les autres religions (juifs compris).

PAR ABBÉ ALAIN RENÉ ARBEZ LE 3 FÉVRIER 2023
Une minorité
Les chrétiens en Iran connaissent une situation particulière. Ils sont devenus au fil du temps une minorité infime par rapport à la population de la république islamique. 99,5 % des Iraniens appartiennent à l’islam, majoritairement chiite, tandis que les chrétiens constituent une faible minorité évaluée globalement à 240’000 membres d’Eglises différentes. Avec dans l’ordre d’importance numérique : les orthodoxes, les catholiques et les protestants.
Officiellement, la constitution de la république islamique autorise la liberté de religion.
L’article 13 précise que « les Iraniens zoroastriens, juifs et chrétiens sont les seules minorités religieuses reconnues, libres d’accomplir leurs rites ». Mais l’Iran est une république théocratique, dont la religion d’Etat est l’islam, et sa législation est issue de la charia.
Le prosélytisme de toute autre religion que l’islam est interdit.
Les responsables religieux chrétiens n’ont pas le droit d’exercer leur ministère auprès de personnes musulmanes. L’apostasie est punie de la peine de mort, ainsi que la diffamation de l’islam.
- Il est impossible pour une femme musulmane d’épouser un chrétien (coran 2,221).
- Le témoignage d’un chrétien devant les tribunaux n’a pas la même valeur que celui d’un musulman.
- L’héritage d’un chrétien est diminué de moitié par rapport au musulman.
- Les femmes chrétiennes ont l’obligation de se voiler comme les musulmanes, les hommes ont l’interdiction de porter un short.
- Dans les écoles confessionnelles gérées par les chrétiens, la direction doit recevoir l’assentiment des autorités pour établir son programme d’enseignement.
- Des maîtres musulmans sont présents dans les classes pour veiller à la conformité.
- Les chrétiens ne sont pas admis dans l’administration et l’enseignement, ils sont écartés des postes à responsabilité par discrimination.
La constitution de la république islamique stipule (art.64) que les chrétiens assyriens et chaldéens, ainsi que les chrétiens arméniens éliront pour chaque communauté un représentant, ce qui donne 3 représentants chrétiens présents parmi les 270 participants de l’assemblée consultative islamique.
Historique
Si elle en est aujourd’hui réduite à sa plus simple expression, la chrétienté en Iran, ou plus exactement en Perse, est riche d’un passé florissant. Elle s’est développée initialement dans un cadre culturel mazdéen. Mais aujourd’hui, survivants de ce passé, les chrétiens ont une culture spécifique. Leur profil linguistique est celui d’Arméniens et d’Assyro-chaldéens, en lien avec l’histoire locale de leurs églises ancrées dans un passé glorieux.
L’évangélisation de la Perse remonte au 2ème s. Les Actes des Apôtres mentionnent la présence de Juifs perses le jour de la Pentecôte. La tradition nestorienne vénère le souvenir d’un des mages venus à Bethléhem et dont les restes reposent dans l’église de Mart Mariam à Ourmiah, sanctuaire chaldéen-catholique considéré comme un des plus anciens de la chrétienté. Une princesse venue de Chine l’aurait financée et visitée dans sa reconstruction de 642. Marco Polo serait également passé par cette église témoin des premiers temps apostoliques. Un écrivain syriaque nommé Bardesane (154-222) mentionne dans son ouvrage que des populations perses ont été très tôt converties au christianisme.
Avant l’arrivée des Arabes, les nestoriens ont traduit du perse en syriaque la célèbre épopée Kalila et Dimna, au 6ème s. A la même période, le catholicos Mar Aba 1er était un ancien mazdéen converti. Le moine Rabban Hormuzd du 7ème s. était lui-même également originaire de Perse. On constate que les communautés chrétiennes étaient parfaitement déployées et organisées dans tout le pays, avec des monastères et des églises très nombreuses. La tradition raconte que l’apôtre Thomas, fondateur de l’Eglise mésopotamienne, et en route vers l’Inde, aurait lui-même prêché sur les bords du lac d’Ourmiah et baptisé de nombreux nouveaux fidèles originaires de l’Azerbaïdjan occidental. Certaines églises antiques sont classées par les actuelles autorités iraniennes en tant que monument historiques et héritage national. Au 13ème s. il est vrai que les historiens arabes décrivent la chrétienté persane comme dynamique et rayonnante.
Eglise catholique en Iran
L’Eglise catholique d’Iran dispose de quelques édifices consacrés : l’église St Abraham et la cathédrale de la Consolation à Téhéran, la cathédrale d’Ourmiah. La liturgie catholique pratique trois rites : le rite latin, le rite chaldéen et le rite arménien. L’annuaire pontifical donne le chiffre global de 20’000 catholiques, aux côtés de 140’000 orthodoxes, essentiellement Arméniens et Syriaques, et de quelques milliers de protestants. Les Juifs, jadis très présents dans cette région y compris après le retour d’exil, ne seraient plus que 30’000. Les chrétiens vivent principalement dans les villes de Téhéran, d’Ispahan, de Chiraz, de Tabriz et d’Ourmiah.
Plusieurs rapports d’ONG attachées aux droits de l’homme et à la liberté de conscience relèvent que la maltraitance envers les chrétiens s’est récemment accentuée. Les libertés sont restreintes, des cas d’emprisonnement pour cause de conversion sont enregistrés.
Cependant, les chrétiens d’Iran continuent de porter, comme tous les chrétiens d’Orient persécutés, la flamme de la tradition biblique et évangélique au milieu d’un univers social hostile où les intolérances se crispent aussi en fonction des tensions internationales.
© Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.
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