Coincidentia oppositorum: le nouveau gouvernement israélien s’aligne sur la théorie de Pythagore

Coïncidence des opposés… Selon Pythagore, les premiers éléments : le feu, l’eau, la terre et l’air, emportés au hasard par la force propre à chacun d’eux, se sont rencontrés et arrangés ensemble conformément à leur nature, pour former l’union des contraires. C’est ce qui vient de se passer en Israël.
Un nouveau gouvernement vient d’être formé : Naftali Bennet du parti Yamina devient premier ministre pour les deux premières années, et sera ensuite remplacé par Yair Lapid du parti Yesh Atid.
Jusque là tout semble normal, sauf à considérer les alliances incongrues qui forment ce gouvernement à qui nous ne pouvons que souhaiter une immense réussite.
Composition de cette union des Contraires qui va devoir faire beaucoup de compromis pour durer:
Yesh Atid, avec Yair Lapid à sa tête, est un parti de centre gauche, économiquement libéral et capitaliste, favorable à la liberté du marché, politiquement de gauche, il soutient un plan de « deux États pour deux peuples » tout en conservant les grands blocs de colonisation israéliennes et en garantissant la sécurité d’Israël. Il milite pour la création d’un mariage civil en Israël.
Bleu et Blanc (kakhol lavan), avec Benny Gantz, une coalition centriste qui s’affirme déterminée à engager des négociations avec les Palestiniens tout en confirmant Jérusalem « unie » comme capitale d’Israël, le maintien du contrôle israélien sur la vallée du Jourdain et le maintien des blocs d’implantations en Cisjordanie.
Yamina,avec Naftali Bennett et Ayelet Shaked, la droite nationaliste et religieuse, libérale et capitaliste, hostile à la gauche, aux idées globalistes, et à la construction d’un « Etat démocratique » pour tous les peuples par opposition à celle d’un Etat juif pour le peuple juif.
Naftali Bennett considère que « si le Hezbollah tire des missiles sur le territoire israélien, cela reviendrait à renvoyer le Liban au Moyen-Âge », et Ayelet Shaked, surnommée la « Dame de fer », qui a fait campagne contre l’immigration illégale en provenance d’Afrique, estime que les migrants représentent une menace pour l’État d’Israël et reste favorable à la « peine de mort ».
Avoda, le parti travailliste, avec la féministe Merav Michaeli, c’est un parti sioniste social-démocrate, membre de l’Internationale socialiste, anciennement le parti principal du pays, il a pratiquement disparu du paysage politique.
Yisrael Beitenou, ou « Israël ma maison », avec Avigdor lieberman, un parti de droite russophile vigoureusement anti-religieux, dont la revendication principale se fonde sur une position anticléricale et laïque, qui comprend l’enrôlement des Juifs ultra-orthodoxes dans l’armée et défend plus d’opportunités socio-économiques pour les immigrants (surtout russes…!).
Lieberman soutient une solution à deux États, qui comprendrait la création d’un État palestinien et le rattachement à cet état palestinien de certaines parties d’Israël largement habitées par des Arabes, comme Umm al-Fahm dans le « Triangle », qui est une concentration de villes et villages arabes israéliennes proches de la Ligne verte.
New Hope, avec Gideon Sa’ar, dissident du Likoud, dont le positionnement idéologique se réduit à : « tout sauf Bibi ». Ce parti soutient une économie partiellement mixte avec une forte orientation capitaliste. Il prône une expansion du secteur technologique et de l’infrastructure d’Israël, ainsi qu’une réduction de la taille de la bureaucratie du pays.
Meretz, avec Nitzan Horowitz, un parti quasi-communiste, anti-religieux, pro-palestinien, et grand défenseur de l’agenda LGBTQ.
Ra’am, la liste arabe unie, avec Mansour Abbas, un parti qui soutient l’option des deux États pour la résolution du conflit israélo-palestinien, avec Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine et exige, sur le plan intérieur, une totale égalité sociale, économique et politique entre les différentes composantes de la population israélienne, tout en étant un ardent opposant au mouvement LGBTQ.
Donc, comme le disent certains journaux israéliens : Est-ce une voiture à quatre roues, dont chacune des roues va dans des directions différentes?
Ce nouveau gouvernement est sans précédent dans sa composition, il couvre l’ensemble du spectre politique israélien, et inclut un parti arabe ce qui est une première.
En tant que tel, des questions subsistent quant à la capacité de gouverner avec succès un groupe de partis aussi disparate à un moment où le pays est confronté à de graves menaces pour la sécurité provenant de l’Iran et de ses mandataires terroristes, ainsi qu’à la discorde sociale interne entre Juifs et Arabes.
Néanmoins, la plupart des analystes sont optimistes, en particulier lorsqu’il s’agit d’améliorer les relations américano-israéliennes.
« Cela pourrait certainement aider à l’ambiance, au début », a déclaré Daniel Pipes, président du Forum du Moyen-Orient, affirmant que les États-Unis seraient satisfaits d’un gouvernement comprenant des membres de gauche. Bien qu’il prévienne, « je pourrais bien voir l’administration Biden déçue si les partis de droite font ce qu’ils veulent. »
Pipes s’attend à ce que les partenaires de la coalition de droite dominent, notant que dans les négociations sur la formation de la coalition, les trois partis de droite – Yamina, New Hope et Yisrael Beiteinu – « ont été aux commandes », et Yamina, qui a reçu seulement sept sièges, a obtenu le rôle de premier ministre.
D’autres analystes sont encore plus optimistes quant à une reprise des relations américano-israéliennes, notamment Shmuel Sandler, professeur émérite de l’Université Bar-Ilan et actuel président du Collège Emunah-Efrata ; Eyal Zisser, vice-recteur de l’Université de Tel Aviv et professeur d’études moyen-orientales ; et le colonel (res.) de Tsahal Elad Shavit, chercheur principal sur les relations américano-israéliennes à l’Institut d’études de sécurité nationale basé à Tel-Aviv. Tous trois pensent que les récentes tensions américano-israéliennes, qu’ils attribuent aux liens républicains étroits de Netanyahu et à son approche plus conflictuelle, vont s’apaiser.
Aucun ne voit de grands changements de politique à l’horizon.
Pipes note que non seulement les membres de la coalition de droite comme Bennett, Gideon Saar de New Hope et Avigdor Liberman de Yisrael Beiteinu partagent la même vision par rapport au régime iranien que Netanyahu, mais aussi des centristes comme Lapid et le ministre israélien de la Défense Benny Gantz de Kakhol lavan.
« Je n’imagine pas qu’il y aura de grandes différences et peut-être un nouveau départ », a déclaré Pipes. « Il est assez clair que le Meretz et les travaillistes sont mis à l’écart. »
Sandler convient que « la politique sur l’Iran sera une continuation. Tout le monde au gouvernement comprend que l’Iran est le grand ennemi, une menace stratégique pour l’existence d’Israël.
Il note que les différences idéologiques de la coalition agissent comme un frein aux grands mouvements politiques.
« Vous n’allez pas voir un Oslo ici ou une annexion », a-t-il dit, faisant référence aux accords d’Oslo de 1992, qui ont remis des parties de la Judée et de la Samarie à l’Organisation de libération de la Palestine, et aux récents efforts politiquement opposés pour appliquer la souveraineté à des sections de ces territoires.
« La politique de base d’Israël ne changera pas », convient Zisser, notant également qu’une grande partie de la politique de sécurité d’Israël est formulée par le ministère de la Défense et les Forces de défense israéliennes. Même si Bennett ou Lapid voulaient adopter des changements politiques spectaculaires, ils n’auraient pas le capital politique pour passer outre ces institutions.
Tous les experts s’accordent à dire que rien ne changera sur aucun des problèmes majeurs auxquels Israël est confronté, que ce soit le conflit palestinien, le Hamas, le Hezbollah ou l’économie. Pourtant, tous ne partagent pas une vision optimiste de ce nouveau gouvernement.
Le lieutenant-colonel (res.) a repris l’image de la voiture à quatre roues, le Dr Mordechai Kedar, associé de recherche principal au Centre d’études stratégiques Begin-Sadate a dit :
« La seule chose sur laquelle ils s’accordent aujourd’hui est la nécessité de se débarrasser de Netanyahu. Cet objectif sera atteint dans la première minute de ce gouvernement. Alors, qu’est-ce qui le maintiendra ensemble à partir de la deuxième minute ?
D’un autre côté, Sandler et Pipes voient le gouvernement durer précisément à cause de Netanyahu, en supposant qu’il reste le chef du parti Likoud dans l’opposition.
« Tant que Netanyahu restera en politique, je pense qu’ils vont rester ensemble. C’est lui qui est le ciment », dit Sandler.
Kedar reconnaît la logique de cet argument, mais ajoute que « la question est de savoir lequel est le plus puissant : les luttes au sein du gouvernement ou la peur de Netanyahu ?
Il poursuit, affirmant qu’il y a trop de problèmes idéologiques et que ceux-ci conduiront à un « divorce dans ce mariage contre nature ». Il soutient également qu’il n’y a pas d’échappatoire à l’idéologie parce que les électeurs regardent, et quiconque concède son programme sera considéré « comme une sorte d’invertébré sans veine ».
Kedar prévoit que les partenaires de la coalition se retrouveront pris dans une situation impossible. Des questions sensibles sont inscrites dans le budget, note-t-il, comme la construction de routes en Judée-Samarie.
« Si Meretz acceptait une telle chose, ils couperaient en fait la branche sur laquelle ils sont assis car selon leur idéologie, Israël devrait se retirer complètement de ces zones. »
De l’autre côté de la coalition se trouvent Bennett et Saar, qui doivent prouver leur bonne foi de droite précisément en construisant dans ces zones.
Les partis d’opposition ne se sont pas gênés pour donner leur opinion :
Le président du Parti sioniste religieux, le député Bezalel Smotrich, a fustigé la formation du nouveau gouvernement : « dans l’histoire d’Israël, un accord de coalition avec un parti antisioniste et un partisan du terrorisme. Il était possible de former un gouvernement de droite et ils l’ont torpillé et ont consciemment préféré la gauche et les partisans du terrorisme. Nous n’oublierons ni ne pardonnerons. »
Le député Miki Zohar, président de la faction du Likoud à la Knesset, a déclaré : « La gauche fait la fête, mais c’est un jour très triste pour l’État d’Israël. Bennett, Sa’ar et Shaked devraient avoir honte. »
Les opposés inconciliables :
Le président de la Liste arabe unie (Ra’am), Mansour Abbas, a conditionné sa participation au futur nouveau gouvernement israélien en exigeant qu’aucune nouvelle loi en faveur des LGBT (les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres) ne soit votée. Ce qui l’oppose totalement à Meretz.
En juillet 2020, Raam avait protesté contre un projet de loi voulant interdire les “thérapies de conversion”, pratiques visant à changer l’orientation sexuelle des personnes LGBT, largement considérées comme violant les droits humains.
“Soutenir cette loi revient à diffuser l’obscénité et l’homosexualité parmi les gens et c’est un crime contre la religion et la société”, avait indiqué le parti, pour qui l’homosexualité est une déviance immorale.
Que se passera-t-il si :
Si – Le Hamas ou le Hezbollah provoquent un « quelque chose » au Sud ou au Nord qui va chasser Meretz et Ra’am de l’accord, lorsque le ministre de la Défense Gantz tiendra sa promesse de riposter durement au premier signe d’une roquette ou d’un ballon incendiaire.
Si – Des émeutes éclatent à Akko, Lod, Yafo et Ramle, dans une bataille entre juifs et arabes à deux doigts de la guerre civile.
Si – L’Amérique fait pression sur Israël pour qu’il cesse de construire en Judée-Samarie et qu’il commence à geler la construction à Jérusalem.
Si – Le ministre des Transports Michaeli lâche des bus dans tout le pays le Shabbat, tandis que le ministre des Finances Liberman renverse le financement.
Si – Mme Michaeli et son contingent travailliste pètent les plombs lorsque des juges conservateurs sont nommés pour remplacer les juges de gauche de la Cour suprême, de sorte que la Cour suprême devienne réellement un tribunal et non une branche du gouvernement de gauche.
Si – Ra’am se retire lorsque Tamar Zandberg de Meretz va pousser son agenda LGBTQ.
Si – Quand l’appareil de défense commencera à bombarder à Gaza tuant accidentellement des enfants cachés par le Hamas dans un centre lance-roquettes..
Une fois que ces conjoints mal assortis auront célébré l’éviction de Bibi, ils devront se regarder et vivre ensemble. Comment ça va se passer? Peu importe…!
Un peuple a le gouvernement qu’il mérite, et la leçon à retenir c’est que la Divine providence veut qu’Israël unisse les contraires de gré ou de force…
Et ainsi que vient de le rappeler Jean-Patrick Grumberg :
« je pense au bon sens de cette réflexion de Milton Friedman : L’une des grandes erreurs consiste à juger les politiques et les programmes en fonction de leurs intentions plutôt que de leurs résultats. »
Alors BONNE CHANCE…
Miléna
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